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Histoire et archéologie de Saint-Jean d'Acre à travers les siècles

Saint-Jean-d'Acre, la Ptolémaïs des Romains. Elle était comptée au nombre des anciennes villes de la Phénicie avec les noms d'Ace, d'Accon, d'Acca et d'Acre. Celui de Saint-Jean parait lui être venu des chevaliers hospitaliers de cet ordre, qui s'y réfugièrent après la ruine de Jérusalem. Quelques auteurs ont prétendu qu'elle devait plutôt cette dénomination à une belle église dédiée à saint Jean, qui fut construite dans ses faubourgs, du côté de l'orient.

L'historien Josèphe, dans son livre XI, chapitre 10, de la Guerre des Juifs, nous décrit l'exposition de cette ville. « Ele est sur la Méditerranée, dans une grande plaine, bornée au midi par le mont Canne!, au levant par les montagnes de la Galilée, et au nord par une autre montagne qu'on appelle Echelle-de-Tyr. Selon les apparences, elle appartient à la tribu d'Aser; mais rien ne dénote qu'elle ait jamais été au pouvoir des Israélites. »

Le même historien que nous venons de citer ajoute qu'elle fut possédée par le roi Démétrius, fils de Seleucus. La trahison la lit ensuite tomber dans les mains d'Antiochus Epiphane. Assiégée quelque temps après par Alexandre, roi de Judée, elle fut prise et cédée à Ptolémée. Elle acquit le nom de Ptolémaïde sous les rois d'Egypte qui la gouvernèrent, et nous voyons dans les Actes des apôtres qu'elle s'appelait ainsi chez les Grecs et chez les Romains.

Notre navigation étant achevée, nous débarquâmes de Tyr à Ptolémaïde. Les Perses, qui la possédèrent quelque temps, en firent une barrière contre les attaques des Egyptiens de Phénicie, comme nous le dit Strabon : « Ptolémaïde, ville importante, qui se nommait Ace auparavant, offre à la Perse un refuge assuré dans les guerres d'Egypte. » Différentes médailles nous apprennent que Ptolénmïde fut aussi une colonie Romaine. Les Sarrasins s'en rendirent maîtres, et l'appelèrent Acca, d'un de ses premiers noms. Après l'avoir retenue jusqu'en 1104, ils furent chassés par les chrétiens. Ceux-ci se la virent enlever à leur tour en 1187, par Saladin, soudan d'Egypte ; mais un siège de trois années la leur rendit de nouveau en 1191. A dater de cette époque, elle fut, t'espace d'un siècle, possédée et gouvernée à la fois par dix-neuf souverains, qui sont : Henri, roi de Jérusalem ; le roi de Naples et de Sicile ; le prince d'Antioche ; le comte de Jaffa ; le comte de Tripoli ; le prince de Galilée ; le légat du pape ; le prince de Tarente ; le roi d'Arménie ; le duc d'Athènes ; les généraux des armées de Florence et de Pise, d'Angleterre et de Gènes ; enfin les grands-maitres des ordres de Saint-Jean de Jérusalem, des Templiers, des chevaliers Teutoniques et de Saint-Lazare. Chacun d'eux y possédait une autorité absolue et indépendante dans leurs différents quartiers. Cette diversité de gouvernements occasionna, par de longues divisions, la chute irréparable de cette ville, en 1291.

Une fois retombée entre les mains des infidèles, elle fut saccagée et démolie pour ne plus se relever de ses ruines. Nous lisons dans les Macchabées que le peuple de cette ville égorgea, par la trahison de Triphon, Jonathas, frère de Judas Macchabée, avec vingt mille hommes.

Vespasien et Titus y séjournèrent quelque temps pour se préparer à faire le siège de Jérusalem.

Dans le XIIe siècle il s'y tint un conseil général, où l'on mit en délibération le siège de Damas. Guillaume de Tyr, en son Histoire de guerre Sainte, a conservé les noms des personnages fameux qui s'y trouvèrent ce furent : Conrad, empereur des Romains ; Louis IX, roi de France ; Baudouin, roi de Jérusalem, et plusieurs autres princes, comtes, ducs, évêques, archevêques et légats, au nombre desquels était le cardinal Guidon Bellagi de Florence.
Acre fut aussi visitée par les apôtres, et particulièrement par saint Paul, qui y prêcha le christianisme.
On y compte, parmi les saints martyrs, Paul et Julienne sa soeur, qui rougirent la terre de leur sang sous le règne de Valérien.

Saint-Jean-d'Acre resta longtemps après sa ruine dans un état de malheur et d'inhabitation. La Porte elle-même s'embarrassa peu de remettre cette ville en meilleur ordre. Vaccardio, prince des Druses, dont les armes conquirent toute la Syrie dans le XVIIe siècle, essaya d'y construire quelques édifices et de la rendre plus habitable. Maison regrette qu'il en ait en quelque sorte détruit le port, en le comblant avec les ruines des anciennes maisons. Son but était d'empêcher l'approche de la ville aux galères du Grand-Seigneur, et de leur enlever par ce moyen un asile qui pouvait devenir préjudiciable à la grandeur renaissante de cette cité. Il est facile de voir, par les vestiges de ce port, devenu fort étroit, qu'il avait été très commode et garanti d'ailleurs du souffle de l'accident par une épaisse muraille en forme de môle dont il reste quelques débris. On ne peut y entrer qu'avec des bateaux ou de très petits navires. Après la chute de Faccardin, Acre retomba sous la puissance ottomane.

Il ne reste de cette ancienne ville que des débris assez informes de monuments qu'y avaient été construits par les chrétiens. On trouve dans la partie occidentale quelques ruines d'une église consacrée a Saint-André. Trois grandes fenêtres, que le temps n'a pas encore détruites, donnent une haute idée de cet édifice. Le palais de l'évêque était contigu à cette église, et le gouverneur a fait élever une maison sur ses fondements. Pour en combler quelques parties souterraines, il ordonna d'y jeter un grand nombre de statues et de bustes de marbre qui représentaient des saints : comme on les trouva enfouis dans les alentours, il est probable qu'ils appartenaient à l'église de Saint-André. A peu de distance de là on voit les restes du port des galères et de l'arsenal.

Il y avait dans ce même lieu un bâtiment considérable, presque entièrement renversé aujourd'hui c'était l'hospice des chevaliers du Temple, qu'on appelait !e Château-de-Fer, parce qu'il avait été enduit d'écume de cette matière, dans la partie qui regarde la mer. Ce côté de muraille subsiste en son entier, avec un débris de la galerie qui conduisait d'un quartier à l'autre.

Le palais du grand maître de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, avec toute l'étendue de l'hospice, sert d'habitation au chef d'Acre, à sa famille et à une partie de sa cavalerie. Cet édifice doit sa conservation presque entière à l'épaisseur étonnante de ses murs. Il est particulièrement remarquable par deux tours très élevées et par ses souterrains qui renfermaient des moulins à main, dont on fait encore quelque usage. Le gouverneur a formé dans l'une de ces tours une salle immense, au milieu de laquelle est une grande fontaine ornée de marbres de toute espèce.

La chapelle du grand maître, sous l'invocation de la sainte Vierge, subsistait en assez bon état en 1660 ; mais on l'a démolie en partie l'année d'après, pour en faire le palais d'un fils du gouverneur.

Dans la partie méridionale de cette place, et à côté de la porte de Nazareth, s'élèvent les débris de l'église et du monastère de Saint-Clair. C'est dans cet asile mémorable que des vierges vertueuses se mutilèrent le visage afin de se soustraire, dans le sac de la ville, à la brutalité des barbares, qui, ne voyant en elles que des objets d'horreur, en firent un affreux massacre.

On trouve la description de plusieurs églises, monastères et hospices de Ptolémaïs dans le code diplomatique de l'ordre religieux et militaire de Saint-Jean, et encore dans le testament d'un certain Saliba, bourgeois de cette ville, fait en 1264, par lequel il abandonnait la totalité de ses biens meubles et immeubles à la maison de l'hospice, en en réservant toutefois des legs pieux à chaque église, monastère et communauté de cette ville.

Le petit nombre de temples religieux, subsistants aujourd'hui dans Acre, est d'une époque moderne.

Il y a deux églises latines, dont l'une, très-petite, sert de paroisse, dédiée à Saint-Jean-Baptiste, et placée dans le district des nations européennes. Elle est desservie par les Pères de la terre sainte, qui occupent à côté un hospice fort commode et ouvert en tout temps aux religieux et voyageurs. Près de ce quartier d'Europe, au nord de la ville, est une chapelle remarquable dont la sainte Vierge est la patronne, où se rassemblent toutes les femmes qui suivent le rite latin. Les Grecs-unis y possèdent une fort belle église, élevée en partie sur l'ancien temple de Saint-André, dont elle a conservé le nom. L'église des Maronites a été construite d'après leur dessin, depuis ses fondements. Parmi différentes espèces de marbres qu'ils ont recueillis des runes de la ville pour la décorer, on remarque deux grosses colonnes de porphyre qui servent de soutien à l'arc du maitre-autel.

L'église des Grecs schismatiques est la plus grande qu'il y ait dans Acre, et l'on a fait usage également d'anciens matériaux pour la bâtir. Les Hébreux y ont aussi une petite synagogue, qu'il ne leur est pas permis d'agrandir, le gouverneur exigeant d'eux qu'ils se contentent d'un terrain de maison dont il leur accorde la propriété.

On trouve dans cette ville trois mosquées appartenant aux Arabes mahométans, de la religion dominante. Deux ont été construites par le gouverneur, et l'autre, qui fut élevée dans le XIIIe siècle, eut pour fondateur Seraf, fils de Malec-Messur, soudan d'Egypte. En face de cette dernière mosquée est une place assez étendue, de la construction du même Seraf, qu'habitent, en quartiers séparés, les différentes nations d'Europe. Les revenus qu'on en perçoit sont destinés à entretenir ce temple mahométan.

Les rues d'Acre sont toutes si étroites, que lorsqu'il y passe un chameau, même dans les plus larges, il serait impossible à un autre animal de passer de front avec lui. On n'emploie à la construction des maisons que des pierres carrées, et point de briques.

Les toits, bien différents des nôtres, sont faits en plates-formes ou terrasses sur lesquelles on se promène, et rappellent les pavés dont parle Vitruve.

Dans la construction d'un édifice, lorsque le dernier plancher est couvert de poutres plus ou moins fortes, l'on cloue dessus des planches de cyprès, serrées fortement l'une à l'autre cette couverture supporte à son tour plusieurs solives, placées en travers, où l'on étend du foin, de la paille hachée avec de la chaux mêlée de petites pierres, et le tout ensemble s'aplanit par le moyen d'un maillet ; on jette sur cette première couche du charbon pilé, une seconde de chaux et de sable, et enfin, l'on met un troisième lit de plâtre, de chaux, de cendre et de charbon pilé, qu'on étend avec un cylindre, et auquel on donne le lustre et le poli avec un battoir. Voila la manière ordinaire de faire ces terrasses. Si le pavé se lézarde par la force des chaleurs, on en remplit les fentes de chaux, de cendre et d'huile, et il résiste aux plus longues pluies, jusqu'à devenir impénétrable à l'eau.

Les maisons faites en coupole sont enduites ou recrépies de cailloux pilés avec de la chaux, qu'on emploie avec le plus grand soin pour y donner le lustre.

On se sert également de chaux dans le crépi intérieur du bâtiment, et quand elle est vive on étend dessus ou de l'étoupe ou de la bourre précaution qui devient nécessaire pour soutenir la seconde couche faite de plâtre.

Il y a dans la ville deux bazars ou marchés toujours abondamment fournis : l'un renferme toutes sortes de comestibles, et l'on trouve dans l'autre un assortiment d'habits et d'étoffes d'usage.

A la distance d'un mille de la cité neuve, on trouve les débris de la tour Maudite, qui forme une espèce d'angle vers le nord de la mer. On y avait fait monter un moulin à vent. C'est de ce côté-là que les infidèles entrèrent lorsqu'ils prirent Acre sur les chrétiens. L'éloignement de la ville nouvellement construite aux anciennes murailles n'est pas de plus d'un mille ; mais il faut plus d'une heure pour parcourir cette enceinte de terrain.

La première Acre était enfermée d'une triple fortification, séparée par deux fosses, dont l'un au dehors et l'autre au dedans recevaient les eaux de la mer. Comme ils étaient creuses dans la rue s'en est conservé quelques parties. De distance à autre, les murs étaient flanqués de grosses tours. L'air n'est pas sain dans cette ville, et chaque année il y règne des maladies nombreuses, au temps des chaleurs. Il faut en attribuer la cause au peu de largeur des rues et à quelques marais qui avoisinent la ville. La meilleure précaution que puissent prendre les Européens pour se garantir de la malignité de cet air, c'est de s'astreindre à une nourriture modérée, et de fuir surtout t'humidité de la nuit, comme. aussi de ne pas se lever avant que le soleil n'ait dissipé ou fondu l'amas de nuages et de vapeurs qui chargent l'atmosphère chaque matin.

Le scheick Daher, émir de la Galilée, au XVIIIe siècle, s'empara de la ville par surprise, releva ses murs, déblaya son port, et lui rendit en partie de son ancienne importance. Ce fut sous Djezzar-Pacha, successeur de Daher, que Bonaparte vint mettre le siège devant cette place, le vingt mars 1799, et le leva le vingt mai suivant, en l'accablant de ses feux, et, la laissant presque réduite en cendres. Après le départ de Bonaparte, Djezzar-Pacha la rebâtît. Elle fut prise en 1832 par Ibrahim-Pacha pour le compte de Mehmet-Ali, auquel elle fut enlevée en 1840 avec la Syrie. On n'a reconstruit que ses fortifications. Sa population, qui était de 20,000 habitants, n'est plus que de 8000. L'évêché de Ptolémaïs, sous la métropole de Tyr, date du IVe siècle.

Il existe toujours quoi qu'il n'y ait presque point de Grecs parmi les habitants. Il y eut du temps des croisades un évêque latin qui dépendait de l'archevêque latin de Tyr.

Saint-Jean-d'Acre est 110 kilomètres de Jérusalem, au nord-nord-ouest. Latitude nord, 32° 54° 55° , longitude est, 55° 45° 50° . Le commerce consiste en coton et riz récoltés dans ses environs.
Sources : Dictionnaire de géographie sacrée et ecclésiastique, contenant le dictionnaire géographique de la Bible par Barbié Du Bocage.... contenant en outre les tableaux suivants : tableau alphabétique de tous les lieux de la Terre Sainte... tableau synoptique de la France catholique en 1854, conversion des degrés en grades et des grades en degré. T. 2 - par M. Benoist,... et A. de Chesnel (t. 2) ; publié par M. l'abbé Migne,...par M. l'abbé Riondey... - chez l'éditeur (Paris) - 1848-1854.

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